lire le livre Arcabas, un peintre en société

De 1953 à 1991, Arcabas a orné l’église de Saint-Hugues de Chartreuse d’une centaine de peintures, sculptures et vitraux. Devenu Musée départemental d’art sacré contemporain (1987), Saint-Hugues attire des dizaines de milliers de visiteurs chaque année. Arcabas est aussi intervenu dans deux cathédrales et une vingtaine d’églises, ses grands polyptyques ont été présentés dans une quinzaine de lieux de culte ou d’espaces culturels, et cela fait plus de soixante ans qu’il multiplie les expositions. Son œuvre à la fois traditionnelle et innovante a fait découvrir ou redécouvrir l’art sacré à beaucoup de gens, chrétiens ou non, en France et à l’étranger, tout en suscitant des résistances sourdes et des refus peu motivés. Arcabas ne laisse personne indifférent, mais ses partisans comme ses adversaires expliquent rarement leur opinion. Ces silences et ces divergences révèlent des contradictions tenaces portant sur la définition et le rôle de l’art sacré. Si les auteurs de ce livre se sont intéressés à Arcabas, c’est d’abord parce qu’ils ont de la sympathie et de l’admiration pour l’homme et sa peinture, mais pas seulement. Leurs compétences respectives leur permettent de mesurer à quel point la cote d’amour de cet artiste varie du tout au tout selon que l’on consulte d’une part les spécialistes patentés (historiens de l’art, conservateurs, galeristes, collectionneurs argentés) et les responsables institutionnels (ministère de la Culture, organismes d’Église responsables de l’art sacré), souvent méfiants ou distants, ou bien, d’autre part, les amateurs de base, consommateurs intermittents d’art sacré, nombreux à aimer et à fréquenter les œuvres d’Arcabas, ainsi que les acteurs locaux (maires, conseillers municipaux et conseillers généraux de tous bords) qui ont passé commande au peintre et ont conféré à Saint-Hugues un statut officiel. Nous avons eu envie de comprendre pourquoi il en est ainsi. C’est ce qui nous a amenés à enquêter puis à rédiger sous la forme d’une biographie analytique le résultat de nos investigations. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que le principal service que l’on pourrait désormais apporter à l’intelligence de l’œuvre d’Arcabas n’était pas de lui consacrer un « beau livre » de plus, mais de composer un essai réfléchi et documenté qui en montre la genèse, la situe dans le contexte de son époque, décèle son originalité et tire de son étude quelques leçons pour l’avenir de l’art d’inspiration chrétienne. Régis Ladous est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Jean Moulin de Lyon ; François Bœspflug, professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Strasbourg et ancien directeur éditorial aux éditions du Cerf.